Galerie de photos

L’exode

Extrait du récit de Mr Lecourt

Mai 1940, les Allemands ont envahi notre région et beaucoup de gens sont partis sur les routes à vélo, avec des charrettes attelées à des chevaux ou même à pied.
Nous avons aussi quitté notre village avec la nourriture, des couvertures et ce qu’il nous fallait pour vivre car nous ne savions pas exactement où nous allions. Je me rappelle vaguement cette période car j’avais à peine 5 ans. Ce sont nos parents qui nous ont raconté par la suite cette période de notre vie.

Mon père avait emprunté un vieux camion à gazogène à la scierie dans laquelle il était employé. Ce camion marchait aussi bien au bois qu’au charbon. Nous sommes donc tous montés dans ce camion avec quelques voisins.

Heureusement, ce jour-là il faisait un beau soleil car c’était un camion sans bâche.

Nous avions parcouru pas mal de kilomètres quand on a trouvé une ferme pour y passer la nuit. Les fermiers nous ont fourni un peu de nourriture, on était quand même quatre enfants avec une petite sœur de quelques mois qui était malade et elle était couchée dans une resse en osier (grands paniers creux).

(…) Nous voici de nouveau engagés sur les routes de France. C’était vraiment impressionnant car nous n’étions pas les seuls à nous sauver. Il y avait ainsi des personnes âgées, des enfants, des femmes et enfin des familles entières qui s’entraidaient surtout quand il y avait des enfants.

Des soldats français nous aidaient de leur mieux en se sauvant eux aussi… Une vraie débâcle !

Un après-midi des avions de chasse allemands passaient au-dessus de nous à basse altitude et puis s’éloignaient pour revenir un moment après en volant en rase motte pour nous mitrailler.

Tout le monde descendait des charrettes et des voitures pour aller se cacher dans le fossé. J’avais certes 5 ans mais je m’en rappelle, c’est resté gravé dans ma tête.

J’entends encore les balles siffler. Mes parents nous ont cachés dans le fossé en nous protégeant du mieux qu’ils pouvaient. Heureusement que nous n’étions pas cachés sous les véhicules car la plupart avait pris feu.

Une fois que les avions se sont éloignés, nous avons repris la route mais cette fois-ci en direction de Courcival car ce n’était plus la peine de se sauver car il y avait des Allemands partout. Nos parents nous mettaient des couvertures sur la tête pour nous éviter de voir toutes les personnes tuées et blessées qui gisaient sur la route.

Comme je l’écrivais au début, on avait une petite sœur de quelques mois qui était malade et qui est malheureusement morte sur le chemin du retour faute de soin.

Le trajet nous a paru très long car il fallait laisser le passage aux camions et tanks allemands qui progressaient vers les régions plus au sud.

L’occupation

Mardi 9 juillet 1940 : une journée dramatique

Ce fait dramatique, s’est déroulé durant l’occupation allemande. Le mardi 9 juillet 1940, un quadruple meurtre fut commis à la ferme « les Deux-Jours » sur la commune de Courcival. Mr Aucher Arsène, Mr Aucher Bernard, Mr Bergeot Lucien et Mr Bergeot Julien furent assassinés par le sous-officier Mödinger. Quelques minutes après le crime, ce soldat se constitua prisonnier auprès de Mr Gommard Lucien (cantonnier) en lui ordonnant de l’accompagner à la Kommandantur de Bonnétable pour rendre compte de ses actes.
La police allemande mena son enquête et aboutit à l’explication officielle suivante : Le sous-officier Mödinger était venu à la ferme « les Deux-Jours » pour y acheter des poulets. Au moment du règlement de ces marchandises, une discussion se serait élevée et une victime aurait arraché la patte d’épaule de Mödinger et l’aurait menacé avec une serpe. C’est alors que se considérant en cas de légitime défense, le sous officier Mödinger aurait fait usage de son revolver et tué les quatre hommes.

Étant donné qu’il n’y a eu aucun survivant et aucun témoin, seul Mödinger a pu raconter sa version des faits !

Le meurtrier fut jugé le 19 juillet 1940 à Bonnétable avec deux autres militaires. Ces derniers étaient deux complices qui se livraient avec lui à plusieurs vols à mains armées ou de menaces en vue d’obtenir des aliments dans des fermes voisines de Bonnétable vers le 22 juin 1940.
Ayant considéré que pour l’un des meurtres, le sous officier Mödinger avait été menacé, le conseil de guerre le condamna aux travaux forcés à perpétuité. Pour les trois autres meurtres, les circonstances atténuantes ne furent pas admises et Mödinger fut condamné à mort trois fois.

Le 29 juillet 1940, le maire de l’époque, Monsieur Du Bourblanc reçut des autorités allemandes de La Baule l’avis que le sous- officier dégradé Mödinger serait exécuté le même jour dans cette ville et invité à assister à l’exécution de la sentence.

La libération

Vers 19h00, des éléments américains poussent une reconnaissance jusqu’au bourg de Courcival et les ponts de Peray. A cet endroit les Américains vont rencontrer une vive opposition. En effet, deux Panzer IV de la 3./33 sont embusqués au carrefour de Peray. Avec leurs canons de 75mm, ils barrent l’accès aux ponts et prennent en enfilade la ligne droite où deux automitrailleuses Ford M8 de la « D Troop » viennent de se présenter. Elles sont aussitôt détruites et deux américains sont tués sur le coup. Il s’agit d’Edward Klinger et de Wesley D. Monts, Sr. Les survivants évacuent tant bien que mal les deux blindés légers et le repli est ordonné. Les Américains auront d’ailleurs peur que des papiers compromettants ne soient trouvés pas les Allemands dans les véhicules. Lors de tirs de représailles US, la ferme du « Marais » située dans l’axe de tir sera incendiée et le café « le Rendez- vous des Pêcheurs » situé au carrefour des routes de Peray / Marolles / Bonnétable sera éventré par un obus.

Les Américains découvrent qu’ils ont en face d’eux un bataillon blindé allemand. En effet tout juste arrivé en renfort depuis le sud de la France, le  1er Abteilung du Panzer-Regiment 33 de la 9ème Panzer-Division vient d’établir son poste de commandement au Château de Dangeul.(…) Pendant que les Américains sont accrochés à Peray, d’autres arrivent à Jauzé. Ils viennent soit de St-Aignan, soit de Sables. D’ici ils se portent sur la route de Marolles / Bonnétable où ils incendient un camion allemand dans l’allée du Château de Courcival (Voir témoignage de Mr Du Bourblanc).

Ils repèrent un Allemand qui s’enfuit vers une ferme toute proche ; les Américains le poursuivent et l’arrêtent. Ils l’exécuteront dans la cour de la ferme « La Tuilerie ».

Extrait du récit de Mr Du Bourblanc

Des abris avaient été creusés dans le parc, de jeunes chênes abattus pour en constituer le toit, cela désolait mon père, il aimait ces arbres. L’intendance avait pris possession d’une ancienne salle de bain, située en dessous de ma chambre. Par la fenêtre, je m’amusais à suivre la distribution des repas. Dans le parc étaient dissimulés des camions, les plus « fatigués » fournissaient des pièces de rechange pour les autres. Après un séjour qui m’a paru assez court, leur départ fut un soulagement, mon père craignait un bombardement.

Le bruit des combats se rapprochait. Le soir du 9 août une fusillade éclate, nous descendons au sous-sol. Par les petites fenêtres, on voit clairement les balles traçantes au bout de l’avenue. Un élément américain arrivant par la route de Jauzé a ouvert le feu sur un camion allemand, stationné à l’entrée de « La Tuilerie » près du transformateur le camion allemand brûle. Peu après un soldat allemand passe sur la terrasse, calme, l’arme à la bretelle, nous voyant il nous adresse quelques mots : « Guerre finie, Allemagne foutue… !!! puis s’en va.

Le calme est revenu, la nuit tombe il nous faut ressortir les lampes à pétroles, transformateur est détruit.

Le lendemain au réveil, on entend un bruit de véhicules qui passent près du calvaire. Un bruit différent, celui de véhicules en bon état, celui d’une armée qui gagne. Les Américains sont là. Pour nous quel spectacle ! Des automitrailleuses et aussi de drôles de petites voitures jamais vues avant : les Jeeps, certaines s’arrêtent et nous distribuent des petites tablettes à ne pas avaler du Chewing-gum.

Assez vite après eux, arrivera une unité de « nettoyage » qui s’installe dans le haut du verger au-dessus du village. Un soir nos parents en invitent quelques-uns à dîner. Nouvelle surprise, ils arrivent avec leurs armes et leur radio qui reste en écoute permanente, surprise aussi : c’est le premier parmi eux… Un noir !

Le lendemain, nous allons voir leur cantonnement. On me demande mon âge, heureusement on m’a appris à dire : « I am nine years old » mes premiers mots d’anglais….

Ils repartirent assez vite. Ensuite viendra le camp d’aviation, mais ceci est une autre histoire !

Le terrain d’aviation A-44

Le terrain A-44, dit aussi de Peray puisque c’était le village le plus proche, est à cheval sur les communes de Saint-Aignan et de Courcival. Ce terrain sera construit par le 846th Engineer Aviation Battalion puis fini par le 819th E.A.B. du IXth Engineer Command. Les travaux commenceront le 20 août et le terrain sera déclaré opérationnel le 2 septembre 1944. Il ne sera plus utilisé à partir du 20 novembre 1944. Les unités présentes sont le 367th Fighter Group et le 442nd Troop Carrier Group.

Récit de Mr Pivard : Pour construire le terrain d’aviation, ils ont abattu les arbres et les haies, vidé les mares, enlevé la vase et ensuite ils ont rempli les mares avec de la terre sèche… Ils étaient sacrément équipés les Américains ! Le terrain d’aviation c’était l’attraction du coin. Le dimanche tout le monde venait à vélo des alentours, certains de Mamers… Les gens y faisaient du troc, des poulets contre un peu d’essence ou autres.

Souvenir de M Louis Bellanger, sur le terrain d’aviation A-43 « St Marceau »

« Dans ce camp il régnait une discipline tout à fait différente de celle de l’armée française. Il n’y avait pas de vocifération et apparemment pas de distinction entre un simple soldat et un gradé, pas de salut obligatoire ni de garde à vous, c’était une discipline naturelle, efficace, et une organisation merveilleuse. »

Sources

Ce texte est issu du bulletin municipal de 2020

La majeure partie de ces textes vient du livre « Histoire de la libération de la Sarthe » par Fabrice Avoie au éditions Itf.